Lire à voix haute : voix de l'écrit, temps de partage.

Un billet simple- émotion/réaction concernant la lecture à voix haute. Il me permet de faire le point sur mon expérience.  Il existe sûrement une littérature riche sur le sujet... que je n'ai pas le temps de consulter !

 

Le pourquoi de ce billet.

Pourquoi cet article? En fait, il n'y a guère pour une fête du livre, une comédienne était chargée de lire différents textes (fiction et documentaire, pour la jeunesse, pour les adultes)... Et alors, consternation comme dit la chanson... ... On ne voyait plus qu'elle lisant, notre attention vocalisée sur ce qu'elle n'arrivait pas à provoquer : un partage de sens et d'émotions.

Et pourtant j'aime ces moments de « dire poétique », de lecture de textes par un auteur par exemple. 

Alors envie de faire le point parce que je lis souvent à voix haute des textes à mes élèves. Parfois seule, parfois avec mes collègues de français. Que dire de la lecture à voix haute au CDI?

Les circonstances en font bien souvent une lecture utilitariste.

Elle est souvent utilisée comme un tremplin :

  • donner envie de lire,

  • faciliter un prêt de livre, un choix de lecture,

  • apaiser un groupe qui commence à s'agiter,

  • partager un livre, les mots d'un auteur ...

  • un rite. Je commence systématiquement l'atelier lecture par une lecture d'album.

  • Familiariser avec le monde de l'écrit des élèves en difficultés de lecture...

Elle est conçue comme un pré-texte à donner (un livre à emprunter au final). L'objet-livre s'efface derrière la voix et tant mieux si les élèves y reviennent ensuite, si le livre passe de nos mains aux leurs pour une lecture plus intime.

Il y a alors un jeu d'espace pour reprendre de mémoire les mots de Robert Chartier. D'un espace privé (le nôtre, lors de notre première lecture) à un espace collectif de partage (le temps de la lecture à haute voix) pour éventuellement d'autres espaces privés de lecture (ceux des élèves qui emprunteront le livre et en feront une lecture privée et silencieuse).


Pourtant la lecture à voix haute ne peut-elle exister pour elle-même? N'a-t-elle pas un espace-temps propre?

  • Parfois la lecture à voix haute ne me satisfait pas.. Je loupe un mot, ma voix n'est pas au rendez-vous ; sentiment de ne pas être « dans le texte ».

  • Parfois l'émotion est trop forte, la voix se brise,,, Cela m'est arrivé par deux fois lors de la lecture d'un album (La grande peur sous les étoiles de Jo Hoestlandt ) heureusement relayée par ma collègue de français.

Pourtant, dans tous les cas il se passe quelque chose. Un regard rapide au moment de la lecture sur tel ou tel visage permet de saisir un sourire, un regard, une crispation... car il y a bien cet échange-là aussi. Et l'on capte une attention. Parfois curieuse. Jamais un élève n'est en dehors cet espace, parfois il reste sur le seuil mais à l'intérieur. 

Si je m'interroge sur les réactions  des élèves suite à la lecture, je retiens certains mots : "Déjà fini? Cela passe vite quand vous lisez.", parfois l'émotion dans un silence total, unique (souvenir à jamais gravé de lecture de poésies à Dachau), parfois applaudissements, ou silence et toujours prêts de livre(s)...

Il me semble donc que la lecture à voix haute ouvre un temps particulier. Un temps à part dans l'enseignement. Libérant par la voix le texte captif de l'auteur, on captive les auditeurs. On leur donne à entendre notre voix du texte sans trahir si possible le texte lu.   

Un temps à part car c'est un temps de mise en commun, de partage où chacun reçoit à part égal si tant est qu'il le souhaite. Mais bien souvent j'ai le sentiment d'être le joueur de flûte de Hamelin et d'entraîner le groupe... Un temps où le texte écrit va prendre un relief particulier par ma voix, par les choix de lecture que j'aurais faits, ma façon de lire...

 

Mais la lecture à voix haute est une question d'équilibre.

Un drôle d'équilibre. Un équilibre fragile.

Lire suppose une prise de risque. Une mise en danger de soi d'une certaine façon : il y a une forme de dévoilement de soi- tel moment nous émeut par exemple. Il faut un engagement doublé d'un désir de partage. En toute humilité.

Entrer dans le texte et pourtant s'effacer... Et savoir se démultiplier tout à la fois .. Respirer au rythme des dialogues. Offrir son souffle.

Accompagner sa lecture de geste. Mais ce n'est pas du théâtre. Laisser place à l'émotion. Mais ne pas noyer le texte d'émotions.

Surtout offrir par sa voix, au delà de sa voix. la voix de l'auteur... Donner à entendre, à apprécier «la mélodie» de l'auteur.

 

En conclusion :

Prendre le temps, prendre du temps pour lire un début de texte aux élèves n'est jamais une perte de temps! Ce qu'elle n'est pas une oralisation, ce qu'elle est une communication. Communication. Un partage. Elle fait place au sens du texte. Elle communique des émotions. Elle crée un espace-temps rare, de don d'une voix singulière et d'accueil de celle-ci par un groupe. Un espace délimité par sa voix de lectrice. Dans un temps suspendu à cette voix.

Nous sommes nombreux à la pratiquer dans nos CDI mais vous quel est votre ressenti ?
 

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